Financer les Agriculteurs Ruraux : Un Défis à Relever
Financer les Agriculteurs Ruraux : Un Défis à Relever
Pourquoi est-il plus difficile de financer les agriculteurs en milieu rural qu’en milieu urbain ?
Ils nourrissent les villes. Ils cultivent les terres. Ils portent l’économie vivrière sur leur dos. Et pourtant, ce sont ceux que la finance exclut le plus.
Oui, financer un agriculteur rural est plus complexe que financer son homologue urbain. C’est une réalité construite, avec des causes claires et des implications profondes. Et tant qu’on ne comprend pas cette réalité, les mécanismes de financement agricole resteront inadaptés.
Une inégalité géographique… mais pas que
À première vue, on pourrait croire que le problème est une simple question de distance : les villes ont des banques, les campagnes n’en ont pas. Mais ce n’est que la surface du problème.
Financer un acteur agricole rural, c’est en effet affronter plusieurs couches de fragilités systémiques à savoir:
1. L’accès physique et institutionnel au financement
Les institutions financières (systèmes financiers décentralisés) sont historiquement concentrées dans les centres urbains. Installer une agence bancaire en milieu rural représente un coût élevé, souvent non rentable à court terme.
Résultat : les producteurs ruraux doivent parcourir plusieurs kilomètres, parfois des heures, pour accéder à un guichet. Cela décourage les demandes de crédit et rend difficile le suivi et le recouvrement pour les institutions.
2. L’absence de garanties acceptées
Beaucoup de ruraux cultivent sur des terres coutumières non immatriculées. Sans titre foncier reconnu, ils ne peuvent pas constituer de garanties acceptées par les institutions financières classiques. À l’inverse, les agriculteurs urbains ou périurbains disposent plus souvent de documents formels (certificats fonciers, baux enregistrés, etc.) qu’ils peuvent mobiliser comme garantie.
De plus, les actifs disponibles (outils, bétail, production) en milieu rural sont peu liquides ou mal évalués. Ils sont donc rejetés par les institutions financières.
3. Le manque d’infrastructures et d’information fiable
Les agriculteurs ruraux sont moins connectés à l’information de marché. Ils n’ont souvent ni smartphone, ni couverture réseau stable. En plus, ils maîtrisent mal les procédures administratives et financières.
Cela les place par conséquent, dans une position d’infériorité dans toute négociation.
Celui qui ignore les règles du jeu est toujours perdant.
4. Le biais institutionnel et les logiques de sélection
Enfin, il faut le dire sans détour : le monde rural n’est pas toujours une priorité dans les stratégies des institutions financières. Par choix économique, par manque de données ou par préjugés tenaces, ces zones sont considérées comme à faible potentiel, alors même qu’elles nourrissent les villes.
Conclusion : les règles du jeu sont défavorables dès le départ.
Que faire alors ?
Financer les acteurs agricoles ruraux n’est pas impossible, mais cela demande un changement de paradigme. Voici quelques pistes structurantes :
- Développer la finance inclusive basée sur les réseaux communautaires et les fintechs rurales.
- Reconnaître les garanties alternatives (stock, contrat, épargne groupée, assurance récolte, etc.).
- Investir dans l’éducation financière et numérique des populations rurales.
- Numériser la finance rurale intelligemment: Appuyer par exemple, la digitalisation via mobile money, mais avec un accompagnement humain et une formation ciblée.
- Créer des produits de financement agricole adaptés aux cycles de production.
- Mieux intégrer les coopératives et organisations paysannes comme interlocuteurs légitimes. Favoriser notamment la relation entre groupements de producteurs et institutions financières pour mutualiser les risques et négocier des conditions viables.
En conclusion
Financer les agriculteurs en milieu rural, c’est toucher au cœur de la justice sociale et de la sécurité alimentaire. Ignorer cette réalité, c’est entretenir un système à deux vitesses. Un système où ceux qui produisent l’essentiel de notre nourriture sont les derniers servis. Il est temps d’inverser la logique et de construire des écosystèmes financiers véritablement équitables, durables, et adaptés aux réalités rurales.

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